PROMENEUSE EN VEDETTE – Je marche pour mon père
PROMENEUSE EN VEDETTE
Je marche pour mon père
Mon père est décédé d’une insuffisance hépatique le 1er avril 2020.
Mon père vivait depuis plusieurs années avec une stéatose hépatique non alcoolique (NALFD). Sa santé n’était pas très bonne, mais au début de sa maladie, ça ne l’empêchait pas de faire grand-chose. Il était suivi régulièrement par son hépatologue qui lui disait que son état était stable. La situation n’a pas changé pendant plusieurs années. Puis, la NAFLD s’est développée en stéatohépatite non alcoolique (NASH), et sa santé s’est empirée. Il était plus souvent à hôpital. Il est devenu moins mobile, il avait moins d’énergie. Nous avons failli le perdre en 2011 quand des varices dans son œsophage ont saigné. Après environ une semaine aux soins intensifs et plusieurs transfusions sanguines, il s’en est sorti, et les choses sont redevenues stables. En juillet 2019, il a été hospitalisé pour confusion, et nous avons appris que cela était en raison d’une infection liée à la mauvaise santé de son foie. Il a ensuite été de nouveau hospitalisé à Noël, car la situation s’aggravait progressivement et plus rapidement.
Le personnel médical a réussi à le stabiliser une fois de plus, et il était même assez bien pour que nous ayons un beau souper chez mon oncle le 25 janvier pour fêter son 70e anniversaire.
Le prochain suivi avec son médecin a eu lieu le 6 février 2020. Je lui ai parlé le lendemain, et je me souviendrai toujours de cette conversation. Sa voix était faible ; elle tremblait. Il m’a donné les nouvelles de la médecin : à moins qu’il ne reçoive une greffe, elle estimait qu’il lui restait six mois à vivre.
Le même jour, environ une heure après notre conversation, mon père s’est effondré. Ma mère a appelé le 911, et il a été emmené à l’Hôpital général d’Ottawa. Il n’est jamais rentré chez lui.
Ses résultats sanguins étaient très mauvais, et ils ont décidé de le garder en observation. Mais rien ne s’améliorait. Puis, le 1er mars, il a été transporté par avion à l’Unité de transplantation de l’Hôpital général de Toronto. Ma mère et moi sommes allées le rejoindre en voiture le lendemain et avons passé plusieurs jours avec lui pendant qu’il subissait des tests pour voir s’il était un candidat à la transplantation. Les travailleurs sociaux nous ont parlé pour s’assurer que nous comprenions bien la gravité de la situation et le soutien dont il aurait besoin après la chirurgie. Ni ma mère ni moi n’étions des donneuses compatibles, et nous ne pouvions donc pas être son donneur vivant, mais il y avait un ami de la famille qui l’était et qui était aussi prêt à aider mon père.
Enfin, nous avons reçu la bonne nouvelle qu’il avait été accepté sur la liste des transplantations. Nous étions contentes qu’il soit ramené par avion à Ottawa jusqu’à l’opération.
La COVID-19, qui se mettait à prendre de plus en plus de temps d’antenne sur les chaînes d’information, commençait à devenir une situation grave au Canada. À cause de cela, nous ne pouvions pas rendre visite à mon père autant que nous l’avions fait. Et peu de temps après ça, nous ne pouvions plus lui rendre visite du tout. Nous pouvions lui parler au téléphone, mais il devenait progressivement plus confus à cause de l’encéphalopathie hépatique. Lorsqu’il était possible, les membres du personnel infirmier l’aidaient à faire des appels. La toute dernière fois que j’ai pu lui parler, c’était par téléphone, même si je n’étais qu’à 30 minutes de l’Hôpital.
La santé de mon père s’est encore détériorée. Le programme de donneur vivant de l’Hôpital de Toronto, qui devait aussi accepter le donneur vivant de mon père, avait cessé de faire les tests de fonction pulmonaire obligatoires et avait, en fait, tout mis en suspens à cause de la pandémie.
C’était le dernier espoir de mon père, et ce n’était plus possible.
Il a été transféré aux soins palliatifs à l’Hôpital général d’Ottawa aux alentours du 25 mars. (J’admets que les dates sont devenues floues pour moi à ce moment-là.) Finalement, j’ai pu le voir pour des raisons de compassion, mais il était déjà inconscient. Je lui parlais, et nous écoutions les Beatles, son groupe préféré. L’équipe des soins palliatifs de l’Hôpital d’Ottawa, qui a été formidable avec lui, nous a dit qu’avec l’augmentation prévue du nombre de patients atteints de la COVID-19 et le besoin de lits d’hôpital supplémentaires, il serait préférable de le transférer ailleurs pour ses derniers moments. Il a donc été envoyé dans une belle chambre individuelle à l’hôpital Elizabeth Bruyère. Là aussi, en raison de la COVID, un seul membre de la famille a été autorisé à rester avec lui. Ainsi, lorsqu’il est décédé paisiblement à 20 h 30 précises le 1er avril, ma mère était à ses côtés. Elle m’a appelé à 20 h 35, et j’ai pu le voir. Nous avons passé le reste de la soirée à ses côtés. (Ils ont fait une exception après son décès.)
En raison de la pandémie, il n’y a pas eu de service funéraire.
Mon père était la personne la plus gentille. Il ne jugeait pas. Il était facile de lui parler, et il écoutait vraiment. Il donnait de très bons conseils. Il était drôle et avait le meilleur sens de l’humour. Il était intelligent. Il était encourageant et toujours là pour les gens qu’il aimait. J’ai été très chanceuse de l’avoir comme père.
C’était l’un de mes meilleurs amis.
Nous l’avons tous perdu beaucoup trop tôt.
La Fondation canadienne du foie a été bien au-delà des attentes pour nous aider à traverser ces moments. Elle a aidé mon père et nous tous en nous apportant un soutien par les pairs. Elle nous a aidés, ma mère et moi, à trouver un hôtel à Toronto pour que nous puissions être près de l’hôpital. Et elle faisait des suivis avec nous pour voir comment nous étions dans les moments les plus difficiles, entre autres.
Mon père s’est toujours senti mieux après avoir parlé à l’un des bénévoles de la Fondation avec qui il avait été jumelé, tout comme ma mère et moi. Ils demeuraient optimistes avec nous et nous ont donné des informations inestimables que nous n’étions pas en état de trouver par nous-mêmes.
S’il existe un moyen qui peut aider à empêcher d’autres familles de voir les personnes les plus importantes dans leur vie se détériorer lentement puis très rapidement comme cela, c’est un honneur pour moi d’y contribuer.
Cette année, je participe (La page de collecte de fond à Édith-Émilie) à la promenade FAITES MARCHER VOTRE FOIE en mémoire de mon père. Il connaissait cet événement et aurait voulu y participer. Je pense qu’il sera là.