PROMENEUSE EN VEDETTE – Lutter contre la stigmatisation des maladies du foie
PROMENEUSE EN VEDETTE
La lutte contre la stigmatisation des maladies du foie : L’héritage de ma famille
C’est à la mi-juillet 2013 que mon père, Dale, est allé voir son médecin de famille avec d’importantes douleurs à l’abdomen. Le médecin a demandé à mon père de se rendre immédiatement à l’hôpital. Peu de temps après, mon père a appris qu’il souffrait d’une insuffisance hépatique avancée et qu’il n’avait probablement plus beaucoup de temps à vivre, car les dommages à son foie étaient assez graves. Après le pronostic, nous avons commencé à réaliser que mon père avait en fait présenté des symptômes d’insuffisance hépatique au cours des dernières années, dès 2007. Cependant, malgré les visites chez le médecin pendant cette période, le foie de mon père n’avait pas été vérifié, et il n’a pas reçu de diagnostic. Je me souviens très bien du premier symptôme le plus visible de mon père, le gonflement de ses pieds et de ses chevilles. « J’ai l’impression de marcher sur des miches de pain », disait-il en plaisantant.
Au moment de son diagnostic, mon père vivait dans une petite collectivité rurale du nord-ouest de la Colombie-Britannique, où il travaillait dans le domaine de la santé mentale et des dépendances et était bien connu pour ses plus de 25 ans de sobriété. Nous n’en serons jamais certains, mais notre famille soupçonne fortement que la sobriété bien connue de mon père a pu faire obstacle au diagnostic. En fait, une plaisanterie courante dans notre foyer, résultant d’une incompréhension totale des maladies du foie, était que la santé de son foie était la dernière chose dont mon père devait se soucier. Et pourtant, mon père faisait partie des 250 000 Canadiennes et Canadiens nés entre 1945 et 1975 qui vivaient sans le savoir avec le virus de l’hépatite C, l’une des formes les plus courantes d’hépatite virale qui frappe des milliers de Canadiens et de Canadiennes chaque année, et qui provoque des maladies à court terme, des infections chroniques et même des conséquences possiblement mortelles.
L’hépatite C est souvent considérée comme une maladie « silencieuse », car dans de nombreux cas qui deviennent chroniques, aucun symptôme n’apparaît avant que le foie ne soit gravement endommagé. Ce virus se transmet par contact de sang à sang, et les personnes risquent d’y être exposées en utilisant des drogues injectables (même une seule fois), en se faisant tatouer, en obtenant un piercing, une pédicure ou une manucure, en subissant des interventions médicales avec du matériel mal stérilisé, en partageant des articles d’hygiène personnelle avec une personne infectée (par exemple, rasoirs, brosses à dents, coupe-ongles), ou en ayant reçu une transfusion sanguine ou des produits sanguins avant juillet 1990.
Ma famille a été alarmée et attristée par le sombre pronostic de mon père, mais nous étions reconnaissants qu’il ait été rapidement placé sur la liste des transplantations. Même si des membres de la famille ont été considérés et examinés pour voir s’ils pouvaient être donneurs vivants, en fin de compte, personne n’a été jugé compatible, et mon père a dû attendre un donneur décédé.
Les deux années suivantes ont été difficiles. Mon père a passé plusieurs séjours à l’hôpital, et il y a eu plusieurs moments où nous l’avons presque perdu. Mais même avec toutes les visites aux urgences et les longs séjours à l’hôpital, il a presque toujours gardé une vision optimiste. Mon père était déterminé à vivre et à tirer le meilleur parti d’une situation autrement terrible, en faisant régulièrement des blagues à ses dépens.
Malheureusement, malgré l’optimisme de mon père, sa santé se détériorait rapidement. En mai 2015, on lui a diagnostiqué un cancer de l’abdomen. En plein milieu de cette situation décourageante, le 19 juin, soit un mois seulement après le diagnostic de cancer, mon père a reçu l’appel : un foie l’attendait à London, en Ontario ! Cette nuit-là, lui et ma jeune sœur, Rebeccah, ont fait le trajet en voiture. Le lendemain matin, le 20 juin, jour du 20e anniversaire de Rebeccah, mon père est allé recevoir sa greffe de foie très attendue. Toute notre famille a poussé un soupir de soulagement pour la première fois depuis longtemps.
Après la transplantation, le rétablissement de mon père a été lent et difficile, mais au moins son optimisme avait finalement porté ses fruits : du moins c’est ce que pensait notre famille. Malgré une certaine amélioration apparente, à l’Action de grâce de 2015, mon père était de retour à l’hôpital avec une infection et des signes précoces de rejet. Son équipe a augmenté la dose de ses médicaments anti-rejet, et il a obtenu son congé après quelques jours aux soins intensifs. À Noël, cette année-là, mon père semblait être redevenu lui-même et était même assez bien pour reprendre son travail. Son niveau d’énergie augmentait enfin, et il pouvait marcher pendant plus de 10 minutes sans avoir besoin de s’asseoir et de se reposer.
Le soulagement tant attendu de mon père s’est cependant avéré de courte durée. Le jour de l’An 2016, il s’est rendu aux urgences avec des douleurs et des malaises. Après de nombreux tests qui ont duré presque tout le mois de janvier, il a été transporté par avion à London pour y être examiné. Au début février, mon père m’a appelé pour me dire qu’il avait apparemment pris une « dose létale » de médicaments anti-rejet depuis l’Action de grâce. Le 4 février, notre famille a reçu la nouvelle qu’il avait un cancer en phase terminale et qu’il ne lui restait que « quelques mois » à vivre. En réalité, c’était pire que cela. Les « mois » prévus se sont avérés être moins de trois semaines. Le 23 février 2016, mon père est décédé paisiblement en écoutant son ami de longue date Doug chanter et jouer de la guitare qui appartenait à son propre père. Il n’avait que 49 ans. À l’époque, je, l’aînée, n’avais que 23 ans, et ma sœur cadette n’en avait que 20. Cette perte a été dévastatrice pour toute notre famille.
Même si mon père était extrêmement malade depuis plus de deux ans, sa mort a quand même été un choc pour notre famille. Nous nous étions préparés au pire pendant qu’il attendait une transplantation, mais certainement pas après qu’il l’ait reçue, et certainement pas concernant la posologie prescrite de ses médicaments anti-rejet. Et oui, bien que sa mort aurait peut-être pu être évitée s’il avait reçu la bonne posologie, en fin de compte, si son insuffisance hépatique et son hépatite C avaient été détectées plus tôt, il n’aurait probablement pas eu besoin d’une transplantation en premier lieu. À maintes reprises, le statut de mon père concernant l’hépatite C n’a pas été vérifié, et par conséquent, ses chances de traitement précoce et de survie ont également été compromises.
Lorsque je dis à quelqu’un que mon père est décédé d’une maladie du foie, l’une des hypothèses les plus courantes que j’entends est qu’il devait être alcoolique ou toxicomane. Ces idées fausses ne sont qu’aggravées par la stigmatisation associée à l’hépatite C. Beaucoup de gens pensent que les décisions prises par une personne relatives à sa mode de vie entraînent en fin de compte des conséquences néfastes pour sa santé, et l’aspect le plus troublant et le plus tragique de cette hypothèse est que la personne est jugée moins digne de sympathie. Si nous ne savons pas comment et quand mon père a contracté l’hépatite C, nous savons maintenant qu’il s’agit d’un virus commun qui touche plus d’un quart de million de Canadiens et de Canadiennes. Beaucoup de ces personnes ne savent pas qu’elles en sont atteintes, mais elles méritent toutes de la sympathie et du respect.
Depuis la perte de mon père en 2016, je suis de plus en plus déterminé à réduire la stigmatisation entourant les maladies du foie et l’hépatite C. Des progrès incroyables ont été réalisés dans la lutte contre l’hépatite C. Cependant, on estime que 250 000 Canadiens et Canadiennes sont atteints de ce virus potentiellement mortel, et comme beaucoup ne le savent même pas, ils ne reçoivent pas de traitement suffisamment tôt. Aussi, malgré les progrès considérables de la recherche, il reste encore beaucoup à découvrir. De nouveaux traitements doivent être créés si nous voulons aider une Canadienne ou un Canadien sur quatre qui pourrait être atteint d’une maladie du foie.
Présentement, la sensibilisation est essentielle pour augmenter le nombre de tests. Il s’agit de mon principal objectif en m’engageant auprès de la Fondation canadienne du foie. Mon père a consacré sa carrière à aider les gens à vaincre leur dépendance et a aidé d’innombrables personnes à améliorer leur vie. J’espère qu’en racontant son histoire et en sensibilisant les personnes je pourrai poursuivre son héritage et les aider les gens à retrouver la santé, l’espoir et la complétude.
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